Clément, en route pour les grandes " tracances "
En route pour les grandes « tracances » : des chercheurs de l’UBS se penchent sur ce nouveau phénomèneLes « tracances ». Fusion des mots travail et vacances. Mais que recouvre donc cet étrange néologisme ? Une équipe de chercheurs de l’UBS s’attèle à décortiquer ce phénomène et ses implications. Parmi eux : Clément Marinos, maître de conférences en économie et membre du Laboratoire d’Économie et de Gestion de l’Ouest (LEGO – EA2652), avec qui nous avons discuté.
" Les tracances, résume Clément Marinos, c’est l’exercice d’une activité professionnelle lors d’un séjour en dehors du lieu de travail et de sa résidence principale et qui intègre des éléments de loisir. " Une pratique souvent temporaire, exercée dans des lieux plutôt touristiques, et facilitée entre autres par la numérisation du travail, les transports low-cost et le déploiement d’une couverture réseau haut débit partout dans le monde.
A ce stade, c’est peut-être l’image d’Épinal du nomade numérique qui a émergé dans vos esprits. Ce travailleur qualifié qui fait des sauts de puces de Bali à Lisbonne. Il s’agit bien d’un tracancier. Mais il y a en réalité bien d’autres manières de " partir en tracances ". " Le spectre est très large et les profils variés. Le lorientais qui s’échappe deux jours à Groix pour travailler depuis un gîte, ou depuis sa résidence secondaire, est un tracancier. Le salarié qui prolonge sa location de vacances d’une semaine pour travailler au vert est aussi un tracancier. "
Objet de recherche
Les tracances sont une tendance de fond qui mérite bien que la recherche s’y penche sérieusement, insiste Clément Marinos. Peu de chercheurs se sont encore emparés du phénomène. " Nous ne sommes pas nombreux en France. Moins d’une dizaine " estime le chercheur. A l’UBS, ils sont trois. Clément Marinos, Florence Gourlay, maître de conférences en géographie, et Claire Mahéo, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication.
L’objectif de cette équipe pluridisciplinaire : cerner les contours des tracances, mais aussi toutes les implications de cette pratique. " En dehors de la définition du phénomène, il est important de comprendre ce qu’il peut signifier pour les individus, pour qui les frontières entre vie professionnelle et vie personnelle deviennent plus perméables, mais aussi pour les lieux qui les accueillent. " De fait, on a vu émerger ces dernières années de nouveaux espaces de " workation " (pour work et vacation), lieux hybrides à forte dimension communautaire, qui mêlent coworking et hébergement et qui ont explosé après le covid. " On peut penser aux besoins de compétences et d’accompagnement qu’implique la multiplication de ces nouveaux lieux par exemple. "
Accompagner les territoires
" Il est aussi important de cerner ce que ça implique pour les territoires " souligne Clément Marinos. Et les situations sont diversifiées. Certaines villes ou régions subissent les tracances et doivent réguler le phénomène. " On pense à Barcelone ou Lisbonne, et à la problématique du logement touristique. " D’autres, au contraire, ont tout intérêt à attirer ces nouveaux profils, voire à déployer des stratégies – incitations fiscales, visas spéciaux, aides à la création d’entreprise etc. – pour retenir les tracanciers sur le long terme afin de redynamiser un territoire parfois fragilisé sur les plans économique et démographique. " C’est aussi l’un de nos objectifs en tant que chercheurs de voir comment aider les acteurs locaux à formuler des stratégies vis-à-vis des tracanciers " résume le chercheur.
Si le sujet ne mobilise encore qu’une petite communauté de chercheurs, Clément Marinos estime que les tracances en tant qu’objet de recherche ont de beaux jours devant elles. Pour preuve, une augmentation notable de colloques et autres conférences qui abordent le phénomène. Et le 1er octobre, c’est à l’UBS que ça se passe, avec l’organisation d’une journée de conférence spécialement dédiée aux tracances.